Protection des personnes vulnérables : habilitation familiale ou habilitation du conjoint ?
Publié le
01/02/2017
mis à jour le
Pour limiter le recours systématique aux tribunaux en matière de protection des personnes vulnérables, le législateur, dans une ordonnance en date du 15 octobre 2015 (entrée en application le 1er janvier 2016), a créé l’habilitation familiale.
Qu’est-ce que l’habilitation familiale (ou judiciaire)
Pour limiter le recours systématique aux tribunaux en matière de protection des personnes vulnérables, le législateur, dans une ordonnance en date du 15 octobre 2015 (entrée en application le 1er janvier 2016), a créé l’habilitation familiale.
Codifiée aux articles 494-1 à 494-12 du Code civil, l’habilitation familiale est une alternative au régime de protection classique des personnes vulnérables.
Définition de l’habilitation familiale
L’habilitation familiale permet aux proches d’une personne qui n’est plus en état de manifester sa volonté d’organiser sa protection.
Qui est concerné par l’habilitation familiale ?
Toute personne majeure hors d’état de manifester sa volonté à cause de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles
Qui peut demander l’habilitation familiale ?
Tous les proches de la personne : ascendants (parents), descendants (enfants, petits-enfants), frère et sœur, concubin et partenaire pacsés.
Attention : le conjoint est exclu de la procédure car il dispose d’une habilitation spécifique similaire prévue aux articles 217 et 219 du Code civil. CF l’article sur l’habilitation du conjoint
Les collatéraux ordinaires (oncles, tantes etc.) sont également exclus.
Habilitation familiale : comment faire ?
La demande est présentée au juge des tutelles de la résidence habituelle de la personne à protéger, directement par l’un des proches ou par l’intermédiaire du Procureur de la République.
Il faut accompagner la demande d’un certificat médical établi par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République.
Le juge des tutelles pourra auditionner la personne vulnérable s’il le souhaite.
Quel est le rôle du juge des tutelles ?
Le juge doit s’assurer de l’accord des proches (consensus familial) sur la mesure proposée et sur la personne désignée.
Il doit également vérifier qu’aucun des proches ne s’oppose à cette procédure.
Après avoir accepté l’habilitation familiale, le juge n’intervient plus dans le contrôle de la personne habilitée qui pourra agir dans les limites de l’habilitation.
Quels actes sont concernés ?
Tous les actes peuvent être concernés sauf ceux à titre gratuit (dons et legs )
L’habilitation peut être spéciale : le juge habilite une personne pour passer un acte particulier.
L’habilitation peut également être générale : le juge habilite une personne pour passer les actes patrimoniaux.
Effets de l’habilitation familiale
La personne protégée ne peut plus agir seule sous peine de voir les actes qu’elle a passés frappés de nullité relative.
La personne habilitée représente la personne vulnérable sans contrôle du juge (il n’a pas de compte à rendre tous les ans).
La représentation est gratuite (aucune rémunération pour la personne habilitée).
Pour une habilitation spéciale, la personne habilitée ne peut pas dépasser les prérogatives fixées par le juge dans l’habilitation, sous peine de nullité relative des actes non autorisés passés par elle.
Durée de la protection
L’habilitation spéciale cesse avec la réalisation de l’acte.
L’habilitation générale peut être prononcée pour une durée de 10 années maximum mais renouvelable sur nouvelle demande faite au juge.
Publicité de la mesure d’habilitation familiale
L’habilitation spéciale ne fait l’objet d’aucune publicité.
L’habilitation générale est mentionnée en marge de l’acte de naissance de la personne vulnérable.
Cessation de l’habilitation familiale
L’habilitation cesse :
- avec le décès de la personne protégée ;
- avec le placement de la personne protégée sous un régime de protection judiciaire (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle) ;
- en l’absence de renouvellement de l’habilitation à son terme ;
- après la signature de l’acte pour une habilitation spéciale ;
- par jugement de mainlevée prononcé par le juge des tutelles à la demande d’un des proches de la personne protégée (en cas de rétablissement des facultés de la personne par exemple).
Qu’est-ce que l’habilitation du conjoint
Le conjoint est exclu de l’habilitation familiale car il dispose d’une habilitation spécifique similaire aux articles 217 et 219 du Code civil :
L’article 217 du Code civil : le pouvoir d’agir seul
L’article 217 du Code civil dispose que « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille ».
Deux situations :
1/ Le recours au juge des tutelles
Si un époux est hors d’état de manifester sa volonté, son conjoint peut saisir le juge des tutelles.
Il doit déposer une requête précisant l’acte envisagé et accompagnée de tous éléments de nature à établir l’impossibilité pour son conjoint de manifester sa volonté, notamment d’un certificat médical.
2/ Le recours au juge aux affaires familiales
Si un époux refuse de passer un acte et que son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille, son conjoint peut saisir par requête le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance qui pourra l’autoriser à passer seul cet acte.
L’article 219 du Code civil : le pouvoir de représenter l’autre
L’article 219 al. 1er prévoit que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter en justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge ».
Le conjoint de l’époux qui est hors d’état de manifester sa volonté doit déposer une requête précisant l’acte ou les actes envisagés et accompagnée de tous éléments de nature à établir l’impossibilité pour son conjoint de manifester sa volonté, notamment d’un certificat médical.
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