Faire respecter ses dernières volontés
Marcel a 70 ans. Son meilleur ami, Philippe, qu’il connaîssait depuis l’enfance vient de décéder brutalement. Il lui avait toujours dit qu’il « ne l’oublierait pas » à sa mort.
Mais voilà, quelques jours après l’enterrement, en téléphonant au fils de Philippe pour prendre de ses nouvelles, Marcel apprend que les enfants de Philippe sont allés rencontrer le Notaire pour s’occuper de l’héritage, et que leur père n’avait laissé aucun testament. Pourtant leur père leur avait bien dit qu’il voulait laisser quelque chose pour Marcel ! C’est à n’y rien comprendre…
Les circonstances de la vie, parfois brutales, font que nous remettons souvent à plus tard l’organisation de la transmission de notre patrimoine. Pourtant de nombreux outils existent afin d’assurer que nos souhaits seront bien respectés après notre décès.
Nous envisagerons ici trois moyens principaux de nous assurer que nos dernières volontés seront bien respectées : le testament, les modes de transmission spécifiques entre époux (donation entre époux et avantages matrimoniaux) et le mandat à effet posthume.
Par ailleurs, notons en préambule que cet article s’attarde uniquement sur les moyens de faire respecter les dernières volontés d’une personne en matière patrimoniale. Vous pouvez également vous rapprocher, pour ce qui concerne les questions extra patrimoniales, de votre médecin traitant en ce qui concerne les questions liées aux directives anticipées concernant les soins médicaux en fin de vie ou encore des sociétés de pompes funèbres notamment pour ce qui concerne vos souhaits concernant l’organisation de vos obsèques.
Le testament
Il est probablement l’outil le plus courant pour faire connaître les dernières volontés d’un défunt. En pratique il revêt la forme d’un écrit dans lequel une personne fait clairement état de ses volontés pour la transmission de son patrimoine et sa répartition entre ses héritiers, ou des proches que le défunt souhaite gratifier, appelés légataires.
En droit français, le testament peut revêtir plusieurs formes, mais est toujours établi par écrit.
La forme la plus simple de testament, appelé testament olographe, doit pour être valable être écrit de la main du testateur, daté et signé par ce dernier. Ce sont ses seules conditions de validité. Il peut être conservé par le testateur, remis à un proche ou une personne de confiance, mais également être conservé par votre Notaire, qui assurera son inscription au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés. Cette inscription est un gage de sécurité dans la mesure où tout Notaire chargé du règlement d’une succession a l’obligation, dès l’ouverture de la succession, d’interroger ce fichier afin de savoir si le défunt a laissé des dispositions testamentaires. Le dépôt de votre testament olographe chez votre Notaire garantit donc sans aucun doute possible que l’existence de vos dernières volontés sera connue, et le Notaire en charge du règlement de votre succession devra assurer leur application.
Une autre forme de testament, très proche du testament olographe, est le testament mystique. S’il revêt les mêmes conditions de validité que le testament olographe, il est en revanche établi dans le secret le plus total, et remis au Notaire sous pli clos, cacheté et scellé. Il peut être inscrit dans les mêmes conditions au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés par votre Notaire.
On relèvera également l’existence du testament international, très proche du testament mystique mais dont les contraintes notamment de forme et de rédaction sont simplifiées.
Enfin, il vous est également possible d’établir un testament authentique. Ce dernier revêt un formalisme plus conséquent puisqu’il est établi non plus de votre main mais par acte notarié. Le Notaire l’établit en votre présence et celle soit d’un second Notaire, soit de deux témoins, sous votre dictée, est conservé à l’Etude du Notaire et inscrit au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés.
Bien évidemment, si tous ces testaments sont valables et assurent que vos volontés seront connues, il n’en demeure par moins que leur force juridique diffère.
Un testament olographe ou mystique étant établi de votre main et sous votre seule responsabilité, sa contestation est possible, soit pour vice de forme (absence de date, de signature, doute sur le fait de savoir si la rédaction est bien réalisée de la main du testateur notamment), soit en cas de doute sur la capacité du testateur à manifester clairement sa volonté au jour de l’établissement du testament et sur sa pleine possession de ses facultés mentales. Par ailleurs, en l’absence de dépôt en l’Etude d’un Notaire, la conservation de ce type de testament est également aléatoire et donc sa représentation au Notaire chargé du règlement de votre succession n’est pas assurée.
Dans le cas du testament olographe, le ou les Notaires qui établissent l’acte engagent leur responsabilité professionnelle dans l’établissement de votre testament. Ils vérifient votre capacité civile à vous engager, vous prodiguent le plus souvent des conseils sur la façon d’exprimer vos volontés avant l’établissement du testament, et ce dernier ne peut être contesté qu’au moyen d’une procédure en inscription de faux devant les Tribunaux, engageant directement la responsabilité du ou des Notaires qui ont établi le testament. Ce dernier est donc en pratique quasiment inattaquable tout en présentant des garanties de conservation totales. Il garantit que les volontés qui y sont exprimées seront exécutées.
En toute hypothèse, n’hésitez pas, avant d’établir votre testament, à consulter votre Notaire afin de vous assurer que les volontés que vous souhaitez exprimer sont compatibles avec les contraintes légales du droit des successions.
Les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux
Eternel romantique, le droit français donne une place bien spécifique en droit des successions au conjoint. Si depuis les réformes du droit des successions intervenues en 2001 et 2006 le conjoint dit survivant a vu ses droits considérablement renforcés et augmentés, il n’en demeure par moins que dès la rédaction du Code Civil, le droit a souhaité réserver une place toute particulière au conjoint, au travers notamemnt de deux mécanismes que sont les libéralités entre époux et les avantages matrimonaiux.
1 - La donation entre époux
En effet, qui n’a pas entendu parler de la donation « au dernier vivant », ou plus exactement en termes juridiques la donation entre époux ?
Etablie par acte notarié, cette dernière permet de sécuriser les droits de votre conjoint dans des proportions qui ne sont ouvertes à aucun autre héritier ou légataire par le droit. Sans entrer dans les détails, même en présence d’enfants venant à votre succession, la donation entre époux permet en toute hypothèse à votre conjoint survivant d’être protégé en bénéficiant de droit pouvant s’étendre jusqu’à un quart de votre patrimoine en PLEINE PROPRIETE et trois quarts en USUFRUIT. Pour faire simple, une telle disposition permet à votre conjoint de s’assurer de la jouissance des biens immobiliers vous appartenant pendant toute sa vie, mais aussi de pouvoir utiliser les liquidités dépendant de votre succession, vos héritiers ne bénéficiant de leur part qu’au décès de votre conjoint.
Très souple dans son organisation, cet acte peut également être révoqué à tout moment, et il vous est donc possible en cas de difficultés familiales de renoncer à l’avantage que vous avez consenti à votre conjoint. Elle est également révoquée de plein droit en cas de divorce ou de séparation de corps.
L’acte est inscrit au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés et présente donc les mêmes garanties de représentation et de sécurité juridique que le testament authentique.
Attention, la donation entre époux s’établit uniquement ENTRE EPOUX. Cet acte ne peut être établi entre des personnes vivant en union libre ou soumises à un pacte civil de solidarité.
2 - Les avantages matrimoniaux
Sans avoir besoin de recourir au testament, le droit français ouvre également aux époux une autre voie leur permettant de transmettre entre eux leur patrimoine : les avantages matrimoniaux.
Contrairement au testament ou à la donation entre époux, ces avantages, consentis par contrat de mariage ou lors d’un changement de régime matrimonial, bénéficient à votre conjoint AVANT QU’IL SOIT PROCEDE AU REGLEMENT DE VOTRE SUCCESSION.
En pratique, ils revêtent le plus souvent deux formes principales, à savoir :
- Le préciput
Au travers de ce terme quelque peu barbare se cache une mécanique très simple : lors du décès de votre conjoint, ce dernier vous autorise à « prélever » certains biens dans son patrimoine avant qu’il soit procédé au règlement de votre succession. Le plus souvent on retrouve cette clause de préciput portant sur les biens formant la résidence principale du couple, ou encore sur certains comptes en banque. Le règlement de la succession ne portera que sur les biens ne faisant pas l’objet du préciput.
- Les clauses d’attribution intégrales
Qui n’a pas entendu parler de la communauté universelle ? Ce régime matrimonial, qui peut être choisi par contrat de mariage lors de la conclusion du mariage, ou adopté ultérieurement au moyen d’un acte de changement de régime matrimonial, contient le plus souvent une clause dite « d’attribution intégrale de la communauté au survivant ». Arme redoutable en matière de transmission patrimoniale, l’application de cette clause entraîne en pratique l’ « absence de succession » lors du décès du premier conjoint. En effet en pratique, lors du décès du premier des époux, le survivant se trouve, par le simple effet du contrat de mariage, propriétaire de l’intégralité des biens du couple sans que les héritiers du défunt puissent prétendre à bénéficier de leur part. Quel meilleur moyen de faire respecter ses volontés que de savoir que votre conjoint aura les mains totalement libres pour poursuivre la gestion de votre patrimoine ?
S’agissant de ces avantages, consultez toutefois votre Notaire. S’ils présentent au plan civil des avantages indéniables, ils ont également des conséquences fiscales considérables, notamment compte tenu de l’absence de règlement de la succession du premier défunt, impliquant de fait que la fiscalité successorale s’appliquera uniquement au décès du second conjoint, avec pour conséquence parfois des droits de succession bien plus conséquents pour les enfants. La décision d’établir un acte contenant préciput ou intégration d’une clause d’attribution de communauté universelle au conjoint survivant est donc à réfléchir avec votre Notaire après avoir pesé l’ensemble des avantages et inconvénients.
Le mandat à effet posthume
Création plus récente du droit français, le mandat à effet posthume permet de désigner une personne qui sera chargée de gérer, après la mort du défunt, tout ou partie de ses biens dans l’intérêt de ses héritiers.
Etabli par acte notarié, pour une durée de deux ans (renouvelable par décision judiciaire) ou cinq ans dans certains cas, il est librement révocable par le mandant de son vivant.
Il doit être justifié soit par la personne de l’héritier (notamment en présence d’enfants mineurs ou handicapés) ou de la consistance du patrimoine de la succession (on imagine par exemple un chef d’entreprise qui souhaite confier la gestion de sa société à une personne bénéficiant de compétences particulières ou spécialisées).
Le mandataire bénéficie de pouvoirs d’administration et de gestion qui sont déterminés par le mandat, et doit rendre compte aux héritiers de sa gestion.
N’hésitez pas à vous rapprocher de votre Notaire afin de lui présenter votre situation afin de savoir si cet acte peut être utile à la conservation et à la transmission de votre patrimoine.
Pour conclure, si les moyens de faire respecter ses dernières volontés sont nombreux en matière d’organisation de la succession, n’oublions pas non plus que, en cas d’incapacité, il est également possible de désigner une personne de confiance afin de se charger de la gestion de notre patrimoine et de la protection de notre personne en cas d’accident ou de maladie entraînant une incapacité totale de manifester notre volonté, au moyen d’un mandat de protection future.
Très souple dans son organisation, ce dernier permet, par acte notarié, de désigner une personne à qui il est possible de conférer certains pouvoirs de gestion, de disposition et de protection de notre personne de notre vivant, et dont la mise en œuvre et l’exercice au quotidien sont bien plus souples et surtout plus rapides que la nécessaire mise en place d’une mesure de tutelle ou curatelle. La personne de confiance sera celle de votre choix et vous pourrez déterminer les pouvoirs que vous lui déléguez ou non pendant la période de votre incapacité.
N’hésitez pas à consulter votre notaire pour plus de précisions sur les modalités d’établissement et de mise en œuvre de cette protection non négligeable !