Le cantonnement : une protection sur mesure pour le conjoint survivant
Cette protection à la carte est appelée cantonnement : elle permet – à titre facultatif - à un conjoint survivant bénéficiaire d’une donation entre époux ou d’un testament de renoncer partiellement à la succession ou au legs.
Avec cette faculté, le conjoint survivant peut ainsi limiter ses droits dans la succession, en décidant d’en recueillir uniquement une partie.
Notons que cette faculté est également ouverte aux légataires (c’est-à-dire aux bénéficiaires d’un testament), sans qu’il soit nécessaire qu’existe avec le défunt un lien matrimonial.
Pour que le cantonnement soit possible, il faut que la personne décédée n’ait pas privé le bénéficiaire de la donation entre époux ou le légataire de la faculté d’utiliser ce mécanisme et qu’un héritier légal (un enfant par exemple) au moins ait accepté la succession.
Le cantonnement est rétroactif au jour de l’ouverture de la succession, et irrévocable. Il doit être exercé dans les délais généraux de l’option successorale.
Le cantonnement n’est pas considéré comme une donation consentie par le bénéficiaire (époux survivant ou légataire) au profit des héritiers, lesquels recueillent alors les biens délaissés directement du défunt. Ces biens intégrent ainsi l’actif successoral et reviennent aux héritiers en fonction de leurs droits respectifs. Les droits de succession sont réglés par les héritiers sur les quotes-parts reçues par chacun d’eux du défunt, sans distinguer selon que les biens sont issus ou non de l’exercice de la faculté de cantonnement par le conjoint survivant ou le légataire. Cette opération ne donne pas lieu à la perception du droit de partage.
En choissisant de manière souveraine et discrétionnaire les biens qu’il souhaite recueillir dans la succesion (dans la mesure des droits acordés par la donation entre époux ou le legs), le bénéficiaire du cantonnement peut ainsi calibrer « à la carte » la protection patrimoniale dont il souhaite profiter. Cette technique permet également dans certaines situations d’optimiser le coût fiscal de la transmission, en répartissant avec finesse et agilité le patrimoine successoral entre les héritiers.
Observons que le cantonnement peut s’exercer de diverses manières :
- En ne choississant que certains types d’actif (les biens immobiliers ou les actifs bancaires et financiers par exemple) ;
- En décidant de ne recueillir que certains biens précis (la résidence principale, un véhicule…)
- En n’optant que pour une quote-part générale des biens légués (la moitié, un tiers…)
Tout récemment (réponses ministérielles Dumoulin et Bergantz des 21 et 28 août 2025), la Chancellerie a validé la possibilité pour le bénéficiaire d’une donation entre époux ou d’un legs en pleine propriété de cantonner ses droits à une fraction démembrée de celle-ci ou de celui-ci, c’est-à-dire en lui permettant de limiter la portée de la libéralité à la seule nue-propriété ou à l’usufruit. Cette position extensive doit encore être validée par la Cour de cassation mais semble conférer à la faculté de cantonnement un périmètre encore plus large et libéral, permettant de répondre au millimètre aux besoins des gratifiés.
Votre notaire est l’interlocuteur idéal pour mettre en place ce dispositif particulièrement ingénieux et protecteur. Renseignez-vous sans tarder auprès de lui.
Sur le plan fiscal :
• Le cantonnement est prévu par l’article 788 bis du CGI
Cet article dispose :
« Les biens recueillis par un héritier ou un légataire en application de l'article 1002-1 ou du deuxième alinéa de l'article 1094-1 du code civil sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt » (Article 788 bis - Code général des impôts - Légifrance).
• Le cantonnement est commenté au BOFIP. Ce commentaire est accessible par le lien suivant : BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 - ENR - Mutations à titre gratuit – Successions - Champ d'application des droits de mutation par décès – Régimes spéciaux liés à la nature juridique de la disposition successorale – Cantonnement de l'émolument | bofip.impots.gouv.fr
Il précise :
10
Afin de mettre en concordance les règles civiles et fiscales, l'article 788 bis du code général des impôts (CGI) prévoit expressément que les biens recueillis par un héritier ou un légataire à la suite de l'exercice du cantonnement prévu à l'article 1002-1 du code civil ou au second alinéa de l'article 1094-1 du code civil sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt. Ils ne sont donc pas considérés comme une libéralité faite aux autres successibles par celui qui décide de cantonner son émolument.
20
En matière de droits de mutation à titre gratuit, il en résulte qu'en cas de cantonnement de l'émolument du légataire ou du conjoint survivant, ce dernier n'est imposé que sur la part qu'il prend effectivement dans son legs. En conséquence, l'époux ou le légataire exerçant le cantonnement est taxé aux droits de mutation à titre gratuit, au tarif qui lui est personnellement applicable, uniquement sur les biens qu'il recueille effectivement.
30
S'agissant des successibles qui bénéficient du cantonnement, les droits sont liquidés sur leur part successorale (qui comprend les biens reçus suite à l'exercice du cantonnement) selon le tarif et les abattements applicables en fonction de leur lien de parenté avec le défunt pour l'ensemble des biens qu'ils reçoivent.
Voir aussi les réponses ministérielles suivantes :
Réponse du ministre de la justice (21 août 2025) à la question de M. Éric DUMOULIN (Sénat – Yvelines, LR) publiée au JO Sénat du 21/08/2025 - page 4601 : Cantonnement et droit successoral
Réponse du ministre de la justice (21 août 2025) à la question de Mme Anne BERGANTZ (Assemblée national – Yvelines, Les Démocrates) publiée au JO AN du 26/08/2025 - page 7383 : Question n°2998 : Modalités d'exercice du cantonnement - Assemblée nationale